Un peu d'histoire


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Un peu d'histoire

« Si les mosaïstes d’aujourd’hui signent généralement leurs œuvres, ceux des temps passés restaient le plus souvent dans l’anonymat, surtout quand ils réalisaient des modèles, ou cartons, de peintres célèbres, comme Cimabue Giotto ou Paolo Uccello. Cela explique par leur statut d’artisans longtemps réduits au rôle de copistes d’une œuvre picturale réalisée par d’autres. Cantonnée pendant des siècles à l’exécution d’une « peinture de pierre », la mosaïque est heureusement sortie de cette fonction subalterne à la fin du XIXe siècle. Depuis, elle a démontré qu’elle est un art à part entière, engendrant des images singulières, dérivées de ses spécificités : la fragmentation et les jeux de lumière permis par le miroitement de ses matériaux.

Coquillages, nacres et lapis-lazuli s’agencent savamment dans l’étendard d’Ur, l’une des mosaïques les plus anciennes au monde avec les colonnes d’Uruk, revêtues à leur base de cônes en terre cuite dessinant des motifs géométriques. Exhumées en Mésopotamie, ces compositions décoratives, datant de 3 000 à 1 500 ans avant notre ère, précèdent celles des Grecs, avec lesquels apparaîtront les premiers sols en mosaïque, faits de galets entiers, puis taillés de lames de plomb et enfin de tesselles de marbre. L’emploi de fragments réguliers, ou tesselles, commence à Alexandrie au IIIe siècle avant notre ère. Les romains portent à la perfection l’art du pavement et nous livrent le premier nom connu d’un mosaïste, Sosus, auteur d’un sol à Pergame. Des textes ainsi qu’un bas-relief situé à Ostie (Italie) nous donnent des indications sur l’organisation du travail dans une équipe de mosaïstes, à l’époque romaine : le pictor imaginarius, le mieux rémunéré du groupe, dessine le projet en couleurs ; le pictor parietarius reporte la maquette sur la surface à décorer ; le pavimentarius se charge de la préparation du sol et le calcis coctor des mortiers ; le tessellarius pose les tesselles des fonds et des frises simples ; le muoearius, ou maître mosaïste, exécute les parties les plus fines et les plus complexes. Il est trois fois moins payé que le pictor imaginarius et ne gagne pas plus qu’un boulanger romain.

A Byzance, l’art de la mosaïque illustre des thèmes chrétiens et s’affranchit de certaines contraintes imposées par les pavements. Sur les murs ou les plafonds, les mosaïques peuvent en effet présenter des irrégularités, contrairement à celles des sols, ce qui autorise des recherches neuves sur la lumière et sa réflexion. Dans les basiliques byzantines ou les icônes de mosaïque portatives, l’or et l’argent dominent, tandis que dans la mosaïque romane sont privilégiés les tons noir, rouge et blanc. Le chantier de la basilique Saint Marc à Venise rompt avec cette tradition, empruntant à la peinture non seulement ses motifs mais aussi ses artistes. Ainsi les peintres Paolo Uccello, Michele Giambono, Titien, Véronèse ou le Tintoret travaillent à Saint Marc et conçoivent des décors exécutés en mosaïques que l’on croit « faites au pinceau de couleurs à l’huile » (Vasari), comme celles de l’école vaticane, lors de la décoration de la basilique St Pierre, à Rome.

La mosaïque renaît en tant qu’art autonome au XIXe siècle, à Paris, avec la construction de l’Opéra. L’architecte Charles Garnier rêve de recouvrir les monuments de la capitale « de marbre et d’émaux ». « La ville entière (serait) comme un reflet harmonieux de soie et d’or »… Le mosaïste Giandomenico Facchina l’aidera à réaliser ce vœu chatoyant. Grâces aux techniques novatrices imaginées ou réaménagées par cet italien du Frioul, immigré en France, le coût et les délais de réalisation de mosaïques sont considérablement abaissés, ce qui permet de parer l’Opéra de nombreux ornements faits d’abord en atelier selon le procédé de la « mosaïque à l’envers » puis posés sur l’édifice. Peut-être connue au Moyen Age mais jamais mise en pratique, cette technique indirecte, brevetée par Facchina en 1858, facilite notablement le déroulement d’un chantier et son organisation. Elle va favoriser la diffusion de la mosaïque et son essor dans le monde entier à partir de la fin du XIXe siècle. En créant des mosaïques, Gustav Klimt, Antonio Gaudi, Robert Delaunay ou encore Diego de Rivera ouvrent la voie à un art indépendant qui s’épanouit à partir des années 1930, coupant « le cordon ombilical qui reliait encore la mosaïque à la peinture » selon la mosaïste Giovanna Galli, membre, avec Verdiano Marzi, du groupe Anaxagoras. Fondé avec Ricardo Licata, qui fut leur professeur à l’école des Beaux-Arts de Paris et l’assistant de Gino Severini, ce collectif porte le nom d’un philosophe de la Grèce antique, qui a émis l’hypothèse d’un principe intelligent ordonnant la matière. Giovanna Galli, Verdiano Marzi et Ricardo Licata procèdent de même : ils divisent les matériaux pour les ré agencer en une alternance de tesselles et d’interstices, de pleins et de vides, ordonnant un ensemble discontinu et irrégulier, lequel crée le tout vibrant et lumineux de la mosaïque.

Parallèlement à cette démarche originale du groupe Anaxagoras, d’autres créateurs apportent leur contribution à la vivacité de la mosaïque contemporaine, où pictor imaginarius et musoearius ne sont plus qu’une seule et même personne. En France, trois associations, situées à Chartres, Paray le Monial et Obernai, promeuvent le travail de ces artistes. En Italie, les mosaïstes sont désignés d’après leur formation, selon qu’ils sortent des écoles professionnelles de Ravenne ou Spilimbergho, ou des beaux-arts. Ailleurs en Europe, mais aussi en Australie, aux Etats-Unis, au Japon, au Chili, la création renouvelle complètement les images que la mosaïque nous donnait à voir depuis des siècles. »

D’après Secrets d’ateliers LES MOSAIQUES par Verdiano Marzi et Fabienne Gambrelle













 
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